CRISE SUR LE MARCHÉ DES PRODUITS LAITIERS : FLAMBÉE DES PRIX ET TENSIONS SUR L'OFFRE
Le marché européen des produits laitiers traverse une période de turbulences sans précédent, marquée par une envolée des prix des matières premières et des tensions croissantes sur l'offre.
La semaine dernière, les prix du beurre ont franchi pour la première fois la barre des 8 000 euros la tonne, tandis que ceux de la crème ont atteint 10 000 euros et les prix du fromage suivent une trajectoire ascendante similaire, soutenus par la hausse des marchés des matières grasses.
Cette hausse des prix coïncide avec des niveaux de production laitière décevants, en grande partie affectés par l'épidémie de fièvre catarrhale du mouton, qui sévit aux Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne, et plus récemment au Danemark.
Selon des rapports en provenance de Belgique, la maladie aurait provoqué une baisse drastique de la production laitière dans les zones touchées, réduisant la production quotidienne de certaines vaches de 40 à 11 litres, avant une légère reprise.
La production laitière dans ces régions a chuté de 4 à 5%, obligeant les producteurs à revoir leurs prévisions à la baisse et à suspendre leurs ventes.
Les spéculations sur une possible surchauffe du marché s’intensifient. La question centrale reste de savoir si cette hausse spectaculaire des prix finira par freiner la demande ou si le secteur entre dans une nouvelle ère de tarification.
DES PRÉCÉDENTS ALARMANT : LEÇONS DE 2022
La situation actuelle n'est pas sans rappeler la crise de 2021-2022, lorsque les prix avaient également atteint des niveaux record en raison d'une offre restreinte. À l'époque, des coûts élevés d'intrants comme l'énergie, les aliments pour animaux et les engrais avaient découragé les agriculteurs d'augmenter leur production. Malgré cela, les prix avaient fini par baisser environ un an après leur flambée initiale, grâce à une reprise progressive de l'offre.
En 2022, les prix du beurre avaient grimpé à 7 500 euros, ceux du Gouda à 5 300 euros, et le lait en poudre dépassait les 4 000 euros. Pourtant, la demande ne s'était pas effondrée, soutenue par les dépenses publiques et des conditions de financement favorables.
Seuls des prix élevés prolongés avaient finalement entraîné une légère diminution de la consommation.
PERSPECTIVES 2024 : UNE OFFRE SOUS PRESSION
Les acteurs du marché semblent peu optimistes quant à une amélioration rapide de la situation en 2024. La production laitière en Europe occidentale reste sous pression, aggravée par les effets de la fièvre catarrhale et une qualité médiocre de l'herbe en raison des conditions météorologiques. Les producteurs estiment que les prix actuels du lait ne justifient pas d'investissements supplémentaires pour augmenter la production.
Le recours à des importations de produits laitiers hors UE, notamment en provenance d'Australie et de Nouvelle-Zélande, pourrait alléger les tensions sur le marché du beurre.
En revanche, pour le fromage et le lait écrémé en poudre, l'approvisionnement extérieur semble limité, tandis que les prix américains grimpants risquent de dissuader toute concurrence majeure sur ces marchés.
UNE HAUSSE DES PRIX DURABLE ?
Les traders s'accordent à dire que la hausse actuelle des prix repose sur des fondamentaux solides. Les prix du beurre ont légèrement marqué une pause avant de repartir à la hausse cette semaine et la production semble incapable de suivre la demande.
En Allemagne, la production de beurre a chuté de 9,5% par rapport à l'année précédente, tandis que la consommation de lait a également reculé.
Face à cette situation, certains acteurs du marché prévoient que les prix pourraient rester élevés au moins jusqu'en 2025 et les pertes financières pour les transformateurs de produits laitiers pourraient devenir considérables.
Le prix du beurre, par exemple, pourrait entraîner des pertes allant jusqu'à 3 000 euros la tonne pour certains acheteurs industriels.
Le marché du fromage, de son côté, a également connu une forte dynamique, avec des prix de la mozzarella et du Gouda atteignant des sommets. Les acheteurs peinent à sécuriser leurs volumes, et les contrats à terme semblent devenir la seule option fiable pour garantir un approvisionnement à long terme.
CONCLUSION
Alors que les prix des produits laitiers continuent de s'envoler, la question reste de savoir combien de temps cette situation pourra perdurer.
Si l’histoire récente de 2022 montre que l'offre finit par ajuster les prix à la baisse, les perspectives actuelles pour le reste de 2024 laissent peu de place à l'optimisme sur un répit à court terme.